Contribution de Priartem, ONG française (www.priartem.fr)
« Madame la Médiatrice,
Vous avez ouvert une enquête d’initiative sur la composition de groupes d’experts dépendant de la Commission. C’est dans ce cadre que nous souhaitons attirer votre attention sur le groupe mis en place par le SCENIHR pour évaluer les effets sur la santé des radiofréquences. Ce groupe d’experts a rendu un rapport préliminaire en février dernier, une consultation publique ayant été ouverte du 4 février au 16 avril 2014. Vous trouverez, en pièce jointe, la réaction de Priartem à cette publication.
Nous avons bien compris que votre enquête ne portait pas sur l’évaluation des résultats des travaux des groupes d’experts mais il semble important de souligner qu’il règne sur le dossier des radiofréquences et de la santé une grande controverse scientifique souvent gommée dans les expertises nationales et internationales grâce au jeu influent de quelques uns sur l’expertise.
Celle-ci a, en effet, été confisquée par quelques uns, le plus souvent membres de l’ICNIRP, officiellement société savante, mais de fait club très fermé chargé de la fabrique du déni de risques, pour le plus grand intérêt des industriels mais pas vraiment pour celui de la santé des populations.
Le groupe d’experts actuellement en place au sein du SCENIHR n’échappe pas à cette règle. Nous voulons donc attirer votre attention sur deux éléments qui entrent totalement dans vos préoccupations : les conflits d’intérêts au sein du groupe et la question de l’expertise contradictoire.
1. A PROPOS DES CONFLITS D’INTÉRÊT
Si nous nous contentons de regarder les déclarations d’intérêt publiées sur le site du SCENIHR, nous avons la surprise de constater que le président du groupe d’experts en charge de l’évaluation des risques depuis avril 2013, le Professeur Theodoros Samaras, déclare avoir été consultant pour Vodafone , l’un des principaux opérateurs de la téléphonie en Europe. Il y a joué le rôle de conseil scientifique pour le développement d’un jeu, intitulé "construis ton propre réseau mobile" . Il y a également assuré des actions de formation du personnel à l’évaluation des risques et incertitudes (Source :http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/emerging/docs/doi_scenihr_samaras_en.pdf) Il nous semble que ce lien direct avec l’industrie devrait l’empêcher de prétendre à ce titre. Ce lien en peut, en effet, que justifier la méfiance du profane citoyen en l’expertise scientifique.
Mais bien sûr, il n’est pas le seul dans ce cas, au sein du groupe en question. Nous devons y ajouter :
Deux membres du conseil scientifique de Telia Sonera, opérateur suédois, Kjell Hansson Mild et Mats-Olof Mattsson
Zenon Sienkiewicz, consultant pour Japan Electrical Safety & Environment Technology Laboratories, émanation du Japan Electric Association, lobby de l’électricité au Japon, depuis 2009. (source http://www.bloomberg.com/apps/news ?pid=newsarchive&sid=awR8KsLlAcSo) et a, par ailleurs, été jusqu’en 2011, consultant pour l’Institution of Engineering and Technology (IET).
Et encore : le cas de Heidi Danker-Hopfe, consultant depuis 2000 d’un groupe pharmaceutique, Parexel, lequel s’est trouvé lié de part sa proximité avec le fond d’investissement Boston Millennia Partners au groupe Nextel aujourd’hui démantelé. Et encore Anssi Auvinen : qui travaille en 2013-2014 sur un financement du mobile manufacturers’ forum
Enfin nous devons souligner que parmi les personnes que nous venons de citer, trois sont membres de l’ICNIRP : Dr. Zenon Sienkiewicz, Mats-Olof Mattsson, Anssi Auvinen.
Nous ne citerons pas ici tous ceux qui ont travaillé sur financement industriel ou sur financement mixte industrie/ financement public car nous sommes conscients que ceci excluerait la quasi totalité des scientifiques intervenus sur ce champ de recherche depuis une quinzaine d’années. Nous pensons cependant que la récurrence des liens de financement doit être un élément à prendre en compte dans l’évaluation de l’indépendance des scientifiques au moment de leur sélection en tant qu’experts. Il apparaît, en effet, que qui n’a pas apporté pas au financeur le résultat qu’il attend ne sera plus financé par la suite. La réitération des financements révèle donc au moins une communauté de pensée avec le financeur.
Nous ne chercherons pas non plus les liens avec des sociétés présentées comme « savantes » mais dont la proximité avec les milieux industriels est trop grande pour être garante d’indépendance.
2. LE CARACTÈRE NON CONTRADICTOIRE DE L’EXPERTISE
Si l’on ajoute à l’indépendance financière la question de l’indépendance intellectuelle, il apparaît qu’il devient très difficile d’être assuré de l’indépendance d’un expert et l’ »expert indépendant » devient un produit indéfinissable. Pour sortir de cette impasse, il faut donc poser la question en termes d’expertise indépendante et non d’experts indépendants.
Pour cela, une fois exclus les scientifiques qui ont des liens avérés avec les industriels qu’ils soient directs (participation à un conseil scientifique par exemple) ou indirects (par le biais de financements récurrents de leurs recherches, par exemple), la solution réside dans une composition équilibrée des groupes d’experts. Le concept d’équilibre se rapportant ici à la juste représentation des positions scientifiques existantes au sein du groupe (voir sur cet aspect l’article joint de M. A. Hermitte).
Or, la composition du groupe d’experts mis en place sur les radiofréquences ne correspond pas du tout à cette exigence. Le travail a été totalement verrouillé par les représentants du « no effects ». Certes, on a fait semblant d’ouvrir le groupe à la contradiction en nommant un expert-caution, K.H. Mild mais les incidents qui ont suivi la publication du rapport préliminaire et la mise au point qu’a faite K. H. Mild (voir pièce jointe) montrent clairement qu’une seule personne pèse peu au sein d’un groupe par ailleurs uni.
En effet, suite aux remarques d’Eileen O’Connor, Présidente de l’organisation Radiation Research Trust, portant, notamment sur la non-prise en compte des études de l’équipe Hardell, J. F. Ryan le responsable, au sein de la DG SANCO de cette expertise, a répondu en arguant de la présence de K. H. Mild, laquelle validait, semble-t-il, à elle seule l’élimination des études puisqu’il y avait lui-même participé.
La réponse de K. H. Mild montre la difficulté du minoritaire, lorsqu’il est seul au sein d’un groupe. Nous vous communiquons en pièce jointe l’excellent article de Yannick Barthe (voir article scientifique joint) , sociologue, qui, pour l’avoir vécu de l’intérieur, analyse de façon particulièrement fine cette difficulté. Ainsi, « l’expression d’un doute, voire d’une critique, écrit-il, est largement perçue comme un dysfonctionnement et non comme un exercice faisant partie intégrante du travail d’expertise collective. La critique vient rompre une certaine harmonie dans le groupe qui, … est présentée comme la clef de voûte d’une expertise réussie. »
La réponse de K. H. Mild montre également le poids différent qu’ont les membres du groupe. Ainsi, dans sa réponse, on voit que J. Schüz s’attribue un pouvoir exclusif en matière d’évaluation de la qualité des articles. C’est lui qui décide seul ce qui doit ou ne doit pas être pris en compte.
Il s’agit là d’un dysfonctionnement grave. Sous couvert d’une expertise collective que l’on présente comme contradictoire du fait de la présence d’une personne réputée porteuse d’une position différente au sein du groupe, on construit une expertise fondée sur un diktat.
Pour toutes ces raisons, nous espérons que vous accepterez de vous pencher sur le contexte de cette expertise, laquelle devrait se poursuivre cette année, en vue de la rédaction du rapport final. »
Pour Priartem, Janine Le Calvez, Présidente
Pièces jointes :
Boite 64 - 206 quai de Valmy - 75010 Paris
Tél : 01 42 47 81 54 - Fax : 01 42 47 01 65 - Contactez-nous
Mentions légales - Site réalisé sous SPIP par One2net
Site référencé par :